20 décembre 2023
L’UE adopte une loi progressiste sur les chaînes d’approvisionnement
Le 14 décembre 2023, le Parlement européen s’est mis d’accord avec les États de l’UE sur une loi relative aux chaînes d’approvisionnement. Elle doit permettre aux grandes entreprises qui profitent du travail des enfants ou du travail forcé en dehors de l’UE d’être tenues responsables. Cette directive pionnière oblige les entreprises actives dans l’UE à effectuer un contrôle de diligence contraignante en matière de droits humains et de protection de l’environnement sur l’ensemble de leur chaîne de création de valeur. Les grandes entreprises en Suisse sont donc également concernées.
Le mouvement international du commerce équitable s’est fortement engagé à Bruxelles en faveur d’une loi efficace sur la chaîne d’approvisionnement au sein de l’UE. gebana, membre de Swiss Fair Trade, s’est également engagée en Suisse et en Allemagne, avec sa campagne « Angry Gorilla » et l’envoi de plus de 3000 cartes postales, pour que les politiques et les dirigeant-e-s responsables soient mis face à leurs responsabilités.
L’accord politique obtenu représente certes un progrès considérable sur la voie de la responsabilité des entreprises, mais il ne va pas assez loin à bien des égards : il laisse de côté une grande partie du secteur financier, ne s’applique qu’aux très grandes entreprises et s’il prévoit bien une responsabilité civile, il ne renverse toutefois pas la charge de la preuve, ce qui rend difficile l’accès à la justice pour les victimes d’abus de la part des entreprises.
La proposition initiale de la Commission européenne et l’accord général du Conseil de l’UE ouvrent la porte à un transfert de la responsabilité et des coûts associés vers la chaîne d’approvisionnement. Cela aurait entraîné des effets contre-productifs de la loi, car les productrices-trices seraient encore plus vulnérables. En améliorant certains éléments importants tels que la participation effective des parties prenantes, un engagement et un devoir de responsabilité vis-à-vis des pratiques d’achat, l’accord final a fait quelques pas dans la bonne direction pour faire face à ce problème. Il est également nécessaire que le droit à un revenu décent et à un salaire décent soit reconnu par la loi.
Cependant, ce n’est encore qu’un début. Chaque État membre de l’UE devra mettre en œuvre la directive, ce qui représente une énorme opportunité de combler les lacunes de la directive et d’assurer sa compatibilité avec les Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits humains.
Les prochaines étapes essentielles
Un guide est indispensable pour une mise en œuvre efficace. La directive charge la Commission d’élaborer des lignes directrices sur différents aspects du devoir de diligence. Nous estimons que celles-ci doivent être élaborées par consensus et sur la base des lignes directrices de l’OCDE sur le devoir de diligence, y compris ses lignes directrices sectorielles. Les lignes directrices devraient apporter des éclaircissements sur une participation effective des parties prenantes, un engagement assumé, des pratiques d’achat équitables et des stratégies efficaces pour parvenir à un revenu et à un salaire décents. Dans ces lignes directrices, la Commission devrait également souligner que les contrats ne sont qu’un des instruments du devoir de diligence d’une entreprise. Au lieu des exigences traditionnelles descendantes, ces contrats devraient être élaborés en coopération et en dialogue entre les acheteurs et les fournisseurs, qui partagent la responsabilité du respect des droits humains et de l’environnement.
Les mesures d’accompagnement sont d’une importance capitale. L’UE et ses États membres doivent accorder la priorité à la fourniture d’un soutien financier et technique aux bénéficiaires et à leurs organisations représentatives, aux acteurs économiques particulièrement vulnérables dans les chaînes de valeur mondiales (y compris les petit-e-s agriculteurs-trices et artisan-e-s) et aux pays partenaires de l’UE. Les délégations de l’UE dans les pays partenaires jouent un rôle central à cet égard, en faisant office de points de contact et d’organismes de soutien.
Enfin, une mise en œuvre ambitieuse par les entreprises est nécessaire. Les entreprises doivent se montrer proactives dans la mise en place de processus de diligence raisonnable impliquant un dialogue ouvert avec les fournisseurs et les autres parties prenantes, faire de réels efforts pour combler les lacunes existantes en matière de salaires et de revenus décents et examiner de manière critique leurs modèles d’entreprise et leurs pratiques d’achat. En bref, les entreprises doivent commencer à assumer leur part de responsabilité et ne pas répercuter les coûts de la gestion des risques sur leurs fournisseurs.
Cette décision est un signal important en faveur de la responsabilité des entreprises et de pratiques commerciales responsables. Nous appelons maintenant l’UE, les États membres et les entreprises à profiter de cette dynamique et à promouvoir les changements nécessaires à la protection des droits humains et de l’environnement dans le monde entier.